Le Billet de Raymond - Chraz

Chraz à Saint-Ouen…ou
Quand le P’tit Bar devient grand débit

                        Le samedi 27 septembre, il a suffi à Patrick, veuf de Manu parti en stage dans la cité des violettes, d’ouvrir la bonde Chraz pour qu’un torrent de mots, de lettres et de paroles se déverse dans la salle bien remplie de l’ex-école locale. Un flot abondant et joyeux bousculant sur son passage les pavés jetés dans la mare, ricochant avec un clin d’œil sur des situations délirantes frôlant la surface, éclaboussant les deux rives de couleurs politiques permettant au doute de retrouver la lucidité, aspergeant les autels de la religion en s’adressant à Dieu lui-même.

                        Debout derrière son pupitre réversible aux couleurs rouge et bleue, assis sur une chaise bicolore de mêmes teintes, Chraz part joyeusement en guerre contre la  traditionnelle bêtise humaine, s’insurge contre le passé, l’actualité, l’avenir, les inégalités, le racisme, l’argent, rejette le j’accuse de Zola, préférant le j’accoste de Lacoste, en prenant la tête du peloton avec son maillot jaune.

                        Adroitement il mène le combat contre la gauche tout en gauchisant la droite cintrée dans ses certitudes. Puis il aborde le sport pour donner du pied au football en n’hésitant pas à tacler Karembeu, le seul beur en car, à donner un coup de tête à Zidane sans oublier de secouer au passage celle de Ribéry. Désaltéré à la vodka-round-up, il règle ses comptes à l’informatique. Et si en tirant la langue, il prend des faux airs du fils d’Einstein, il garde volontiers l’esprit chansonnier pour saupoudrer d’aphorismes ou d’euphorismes de son cru c’est à dire métaphysiques, ironiques, prudents, absurdes, provocants, amoraux, ses réflexions mûries dans son Auvergne natale. Sans renier Alexandre Vialatte ou Pierre Desproges, il crée, collectionne et jongle à lui tout seul avec des centaines de brèves de comptoir qui inondent l’auditoire d’un rire libérateur.