Une nouvelle saison : Treize appétissante
Le P’tit Bar vient de donner les trois coups du lancement de
sa nouvelle saison. La treizième. Fidèle
aux souhaits de sa naissance, l’Association Saint-Ouen Animation,
derrière son maire-guide, n’a pas hésité à préparer un menu paradoxalement fort
et solide, corsé même, avec le tout nappé de musiques riches et variées.
Samedi soir donc, devant un public nombreux se pourléchant
d’avance les babines, et devant le faux-bond inopiné ? habituel ? soudain ?
occasionnel ? excusable ? (Rayer les mentions inutiles) de Manu, Patrick mit
les bouchées doubles, et exécuta, avec l’aide technique de son fils Simon, un
numéro d’ubiquité étonnant sous les applaudissements d’une salle complice.
Ce programme, que l’on peut se procurer dans de
nombreux lieux et bonnes adresses du secteur, est alléchant. Et pour mettre en
appétit ce fut le bon Léon, l’ancien facteur devenu homme de lettres affranchi,
qui donna le coup d’envoi en ressuscitant l’étonnant Gaston Couté.
Quand Léon Roussel ressuscite Gaston Couté
Galurin noir et rond à large bord ondulé, petit gilet de
velours fauve fermé sur une chemise blanche aux manches retroussées à hauteur
des coudes, pantalon de velours clair et fin guidé jusque dans des brodequins
de cuir roux par des chaussettes de laine écrue, Léon endosse la silhouette que
tous les livres de littérature révèlent de Gaston Couté, le poète patoisant de
la Beauce profonde. Un personnage haut en couleurs. Visage rongé par une barbe
négligée poivre et sel. Le regard perçant scrutant sans concession la vie qu’il
subit, il expose sans détour les injustices naturelles de l’homme aux prises
existentialistes. Récits ou chansons, c’est selon. L’homme offre les
caricatures à peine retouchées du maître d’école, du curé, du riche et
puissant, de l’armée, de la République, de la gourgandine. Sans oublier de
rendre hommage à la nature, aux animaux et aux fleurs.
Armé de sa seule musette et de son bâton noueux, il assène
sa vérité en toute franchise. Ce fils de la terre, prolétaire, réfractaire,
protestataire et libertaire, puise par ses longues racines cette soif du
partage égalitaire. Il analyse avec lucidité les germes d’une vérité naissante
qu’il a hâte de voir se développer face à l’hypocrisie régnante d’un monde
déboussolé. Il n’hésite pas à comparer le riche fumier du rat des champs au
fumier malsain du rat des villes. Il dresse l’inventaire de cette vie qui, pour
lui, fut courte, et lui laissa à peine le temps de se mettre sur son trente et
un avant de reposer à côté du champ de naviots qu’il a si bien chanté.
Devenu comédien-chanteur après s’être affranchi de son
métier de facteur des Postes, Léon Roussel avait eu la joie d’exercer ce métier
de relations, pendant huit ans, à Breteuil-sur-Iton dans les années 1980.
Aujourd’hui, résidant dans le Gard, il prend le temps de caresser son rêve
d’adolescence, après avoir fréquenté la dure école de la rue et celle tout
aussi difficile de clown.
Cet enfant d’Honfleur, pays d’Alphonse Allais et d’Erik
Satie, nous revient à l’âge de la retraite pour nous enseigner, avec talent,
cette magnifique leçon de solidarité, écrite, en rendant sa vraie valeur à la
nature, par le talentueux poète libertaire Gaston Couté.
Raymond Ménard