Le billet de Raymond - Florent RICHARD et Roland ROMANELLI

Le grand blond et l’accordéoniste 
ou 
Le duo subtil de l’ironie et du talent

            Si le dandy aux traits d’angelot blond avait gardé, samedi soir, en revenant trois ans après au P’tit Bar de Saint Ouen d’Attez, sa personnalité souriante et sa désinvolture détachée à la voix chaude, Florent Richard est apparu plus confortablement installé dans sa maturité. L’excellent musicien chef de groupe a gardé certes ses cheveux blonds indisciplinés couvrant son front en partant en frange à l’assaut de ses sourcils, mais il se présente cette fois en duo accompagné d’une personnalité indéniable de la scène, l’incontournable accordéoniste Roland Romanelli.

            Le titre du spectacle « Le grand blond et l’accordéoniste » fleure bon le célèbre film d’Yves Robert. Mais les traits de ressemblance s’arrêtent là. La chaussure noire, ce n’est pas le grand blond qui la possède. C’est son partenaire. Et encore on est loin du mocassin verni. Un simple soulier sport de toile noire. Le grand blond se contente lui d’une chaussure fauve.
            Le spectacle en revanche est bien sûr, bien plus méticuleusement soigné : A son clavier, Florent Richard révèle d’entrée, avec quatre chansons remarquablement troussées, son romantisme ponctué de nostalgie révélant de sa voix, à la fois prenante et envoûtante, un talent affirmé. Les deux allées de six et sept touches nacrées de l’accordéon de Roland Romanelli soulignent avec sensibilité la profondeur des paroles et le poids des sentiments.
            Et puis, le chanteur pianiste poursuit le chemin de la vie qui l’emmène de la place des Arts au bout du monde, même si l’école ne lui a rien appris. Comme tout le monde il fera avec. Il connaîtra l’amour, l’infidélité, le combat contre l’argent sale et ses abus, la joie d’être père d’une petite Madeleine, ce qui lui offrira le plaisir d’écrire une surprenante berceuse assaisonnée de son ironie acide que Roland Romanelli saupoudre de notes adoucissantes. Le public s’appitoye, puis surpris, réagit aux réflexions de sale gosse que lui distille le grand blond avant de le rejoindre dans ce jeu de massacre bon enfant. Un peu plus loin, il renouvellera l’expérience à l’hôpital où il est venu rendre visite à une autre Madeleine, sa grand’mère, qui quitte lentement la vie sans lui avoir révélé l’endroit où se cache ce qui pourrait, lui, l’aider à vivre. Et puis brusquement, il traverse à nouveau la rue pour offrir son soutien au S.D.F. Un S.D.F sensible ayant tout assimilé en conservant son incurable sens de l’humain.
            Lorsque Roland Romanelli, qui a gardé toute sa dextérité, fait découvrir les brillantes notes de l’accordina, sorte d’instrument bipolaire empruntant les cris rauques de l’harmonica et la chaleur populaire de l’accordéon, la salle reprend son enthousiasme pour suivre les pas des artistes et aller siffler là-haut sur la colline. Et aussi pour retrouver, avec l’art et la manière, ses souvenirs, ceux d’une époque où la chanson gardait son enthousiasme et sa fougueuse beauté.
            Et c’est sous des applaudissements nourris et plusieurs rappels que le duo de cette soirée à la fois charmante et charmeuse quittera ce lieu de rêve et de bien-être qu’est le P’tit bar de Saint-Ouen.

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